Chaussure recyclage : quelles filières pour leur donner une seconde vie
Chaussure recyclage : quelles filières pour leur donner une seconde vie

Chaussure recyclage : quelles filières pour leur donner une seconde vie

Repenser la chaussure : du déchet à la ressource

Qui n’a pas une vieille paire de baskets au fond du placard, avec la semelle qui se décolle honteusement et ce cuir fatigué que même le cirage refuse d’embellir ? Nous les gardons, par nostalgie ou flemme d’agir, mais elles finissent inexorablement à la poubelle. En France, près de 600 millions de paires de chaussures sont vendues chaque année. Et combien trouvent réellement une seconde vie ? Trop peu. Pourtant, les filières de recyclage se développent, et il était temps.

Dans cet article, je vous propose d’enfiler vos lacets (ou velcros, je ne juge pas) pour explorer les solutions concrètes qui transforment nos vieilles pompes en matière première précieuse. Car recycler une chaussure, c’est bien plus qu’un acte citoyen – c’est une vision de l’économie circulaire en action.

Une complexité sous-estimée : recycler une chaussure, un casse-tête technique

Avant de célébrer les solutions, penchons-nous un instant sur le problème. Une chaussure, c’est un puzzle technique :

  • plusieurs matériaux (cuir, textile, plastique, caoutchouc, mousse EVA…)
  • des colles souvent impossibles à dissocier sans traitement complexe
  • et parfois des composants en métal ou des capsules électroniques (merci les sneakers connectées)

Un ami dans l’industrie m’a dit un jour : « Une chaussure, c’est presque plus dur à recycler qu’un smartphone. Moins rentable, mais presque aussi complexe. » Voilà qui donne le ton.

C’est cette complexité qui a longtemps freiné la mise en place de filières pérennes. Mais depuis quelques années, des acteurs innovants, publics comme privés, s’emparent du problème avec une créativité rafraîchissante.

Les filières de collecte : où jeter ses chaussures (intelligemment) ?

Les Français jettent en moyenne 7 kilos de textile (incluant les chaussures) par an, selon l’agence de la transition écologique (ADEME). Bonne nouvelle : nous ne sommes pas condamnés à déposer nos chaussures en fin de vie dans la poubelle grise.

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Voici les principales options disponibles :

  • Les conteneurs Le Relais, Emmaüs, ou Refashion : Ces bornes récupèrent chaussures en bon ou mauvais état. Les paires usées sont triées, les matières séparées lorsque possible.
  • Les boutiques de marques engagées : Certaines enseignes comme Veja, Decathlon ou Courir reprennent les anciennes paires contre un bon d’achat ou une remise. Une stratégie responsabilisante… et commerciale, ne le nions pas.
  • Les ressourceries ou recycleries : Là, le réemploi priorise l’économie solidaire. Des artisans réparent, customisent et remettent en vente des paires abandonnées.

Astuce de terrain : si vos chaussures sont encore globalement en bon état, évitez de les déposer un jour de pluie. L’eau détériore les matériaux, ce qui compromet leur valorisation.

Du tri à la transformation : comment les chaussures sont-elles recyclées ?

Une fois collectée, la paire de chaussures entre dans un circuit de tri manuel ou semi-automatisé. L’objectif ? Identifier si la chaussure peut être :

  • réemployée (nettoyée et revendue dans des marchés d’occasion en France ou à l’international)
  • valorisée en matière (matières séparées et transformées en ressources secondaires)
  • récupérée énergétiquement (incinérée dans des centrales avec valorisation de chaleur)

Les matériaux les plus communément recyclés sont :

  • La semelle en caoutchouc : elle peut être broyée pour créer des sols souples pour terrains de sport ou aires de jeux, comme le fait l’entreprise Recyc’Elast.
  • Les tissus et textiles : une fois défibrés, ils servent à produire des isolants acoustiques ou thermiques.
  • Le cuir : dans certains cas, il peut être réduit en fibres pour fabriquer de la pâte de cuir, utilisée pour des objets déco ou de la maroquinerie éthique.
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Et les marques pionnières ? Choisissons-en deux pour illustrer.

Zoom sur deux initiatives qui marchent : Fairbrics et I:CO

Fairbrics, jeune pousse française, ne s’occupe pas des chaussures à proprement parler, mais développe un textile synthétique à partir de CO₂ capté – ce qui laisse augurer des semelles respirantes au vrai sens du terme. Une technologie encore embryonnaire, mais porteuse d’un avenir où l’impact carbone de la chaussure de sport pourrait être négatif.

I:CO (I:Collect) est quant à elle un acteur international majeur du tri textile intégré. Partenaire de nombreuses grandes marques, elle gère plus de 40 000 points de collecte et a développé des techniques de tri automatique. L’objectif est simple : pousser toujours plus loin l’extraction de matière à forte réutilisabilité.

J’ai eu l’occasion de visiter l’un de leurs centres en Allemagne. L’odeur n’est pas toujours glamour, mais les machines trient 30 chaussures à la minute. Fascinant de voir une sneaker désossée comme une pièce de boucherie industrielle au service de l’écologie.

Et si on pensait nos chaussures… différemment dès la conception ?

Ici, on ne parle plus de recyclage, mais d’éco-conception. Et c’est peut-être là que réside la meilleure des stratégies à long terme. Pourquoi créer des produits impossibles à recycler ?

Plusieurs marques ont décidé de changer la donne :

  • Rens Original : leurs baskets vegan sont faites à partir de marc de café et de bouteilles PET recyclées.
  • Adidas Futurecraft Loop : un projet de chaussures 100 % recyclables, monomatériau, que l’on peut renvoyer après usage pour fabriquer une nouvelle paire.
  • Baliston, marque française prometteuse qui mise sur des composants circulaires pour des chaussures pro (boulanger, soignant, etc.).

Je me souviens de cet étudiant croisé lors d’un hackathon écolo : « On parle de fin de vie, mais si on parlait de naissance responsable ? » Il avait bricolé une chaussure modulaire imprimée en 3D avec des pièces remplaçables. Bon, ce n’était pas très beau… mais l’idée valait la médaille recyclée.

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Le rôle du consommateur : petit pas dans l’entrée, grand pas pour la planète

Alors, que faire avec vos chaussures usées ? Reprenons l’essentiel, avec une question pratique :

  • Peut-on la réparer ? Un bon cordonnier peut faire des miracles pour une semelle décollée ou une couture fendue.
  • Est-elle en bon état ? Offrez-la à une ressourcerie ou une plateforme de don comme Geev, ou vendez-la sur Vinted.
  • Est-elle vraiment à bout ? Déposez-la dans un point de collecte spécialisé présenté plus haut.

Enfin, adoptez dès maintenant un réflexe d’achat durable : privilégiez des marques transparentes, traçables, réparables. La chaussure parfaite n’existe pas, mais chaque pas vers une meilleure production est un progrès collectif.

Un horizon (presque) radieux pour vos baskets fatiguées

La seconde vie de vos chaussures n’est plus un mythe réservé aux centres de tri scandinaves high-tech ou aux films post-apocalyptiques sur l’effondrement global. C’est une réalité, à notre portée, locale, souvent simple.

À mon sens, chaque geste compte. J’ai une paire de vieilles converses que je traîne depuis dix ans. Semelle refaite deux fois, lacets remplacés, mais elles marchent encore. Elles ont vécu plus que la moyenne. Et moi, je me dis qu’avec un peu de volonté (et un bon cordonnier), même nos pieds peuvent devenir des militants.

Alors, la prochaine fois que vous mettrez vos baskets à la retraite, demandez-vous : « Et si je leur offrais une ultime aventure ? »