Comment assurer le bonbonne protoxyde d'azote recyclage en toute sécurité
Comment assurer le bonbonne protoxyde d'azote recyclage en toute sécurité

Comment assurer le bonbonne protoxyde d’azote recyclage en toute sécurité

Un gaz hilarant… pas si drôle pour la planète

« Ah, le proto, ça te fait marrer ? Dans 10 ans, c’est la Terre qui va pleurer. » C’est ce que m’a balancé Hakim, un agent de collecte dans les Hauts-de-France, alors qu’on soulevait une benne débordante de cartouches vides de protoxyde d’azote. Il n’avait pas tort.

Le protoxyde d’azote (N2O), aussi surnommé « gaz hilarant », n’est pas seulement une substance utilisée dans le domaine médical ou pour monter une chantilly. Devenu depuis quelques années un gaz récréatif à la mode, notamment chez les jeunes, il s’accumule dans nos rues, nos parcs… et nos décharges. Et là, le souci ne fait plus rire personne.

Entre les risques liés à sa mauvaise manipulation et son impact climatique dramatique — rappelons-le, le N2O a un pouvoir de réchauffement global 300 fois supérieur à celui du CO₂ —, il est urgent d’apprendre à le récupérer et à le recycler correctement. Vous en doutez ? Voyons cela ensemble.

Le souci avec les bonbonnes de N2O : un cocktail à haute pression

Vous avez sans doute vu traîner ces petites cartouches métalliques — ou peut-être ces énormes bonbonnes de plus en plus commercialisées sur le net. À l’intérieur ? Du N2O sous pression, souvent autour de 60 à 80 bars. Mieux vaut éviter de les percer n’importe comment…

Lorsqu’elles sont mises à la poubelle, elles posent plusieurs problèmes :

  • En décharge, elles peuvent exploser sous la chaleur ou en cas de choc mécanique.
  • Dans les usines d’incinération, elles mettent en danger les opérateurs.
  • Dans la nature, elles polluent sols et cours d’eau en cas de corrosion.
  • Libéré dans l’atmosphère, le proto est un puissant gaz à effet de serre et participe à la destruction de la couche d’ozone.
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Alors pourquoi, en 2024, ne recycle-t-on pas encore systématiquement ces objets omniprésents ? Manque de filière adaptée ? Méconnaissance ? Mauvaises habitudes ? Un peu tout ça à la fois. Mais les choses commencent à bouger.

Recycler le gaz hilarant : mission (pas) impossible

Je me suis rendu dans une petite entreprise de la région lyonnaise, spécialisée dans le traitement des gaz industriels orphelins. On y trouve un atelier dédié à la récupération des bonbonnes, qu’elles soient vides ou partiellement remplies. L’ingénieur rencontré sur place, Claire, m’explique :

« On n’a pas attendu que l’État se bouge le popotin. On a développé une méthode de neutralisation physique du gaz, avec une récupération du métal. Ce n’est pas sorcier, il faut juste traiter chaque cartouche avec précaution et dans une enceinte sécurisée. »

Leur protocole ?

  • Identification et tri des cartouches selon leur état (pleines, vides, rouillées…)
  • Perçage sécurisé dans une chambre étanche pour évacuer le gaz résiduel
  • Traitement du gaz : certains le réutilisent en circuit industriel ; d’autres le neutralisent
  • Déchiquetage des cartouches en acier inoxydable pour recyclage matière

Ce type de traitement demande une logistique de collecte spécifique. Voilà pourquoi la plupart des bonbonnes échappent encore au recyclage. Le cercle vertueux tarde à se mettre en place.

Et le cadre légal dans tout ça ?

Longtemps en roue libre, la consommation de N2O à des fins non médicales a poussé les autorités à sortir de leur inertie. Depuis mai 2021, la vente de protoxyde d’azote à des mineurs est interdite en France. Et depuis peu, des arrêtés municipaux fleurissent pour décourager son usage festif dans l’espace public.

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Mais côté recyclage ? Rien d’automatique. Contrairement aux aérosols, qui bénéficient d’une reprise par les éco-organismes, les bonbonnes de proto ne sont intégrées à aucune filière REP obligatoire. Ce vide juridique freine le développement de solutions industrielles à grande échelle.

Certains territoires prennent cependant les devants. À Strasbourg, des bornes de récupération spécifiques ont été installées en 2023 dans les quartiers les plus touchés. À Lille, une entreprise sociale a mis en place un circuit de revalorisation avec tri en point de collecte local. C’est artisanal, mais c’est un début.

Cas pratique : que faire si vous trouvez ou utilisez une bonbonne ?

Imaginons. Vous tombez sur une bonbonne abandonnée dans la rue. Vous hésitez : poubelle ? Déchetterie ? À qui s’adresser ? Bonne question. Voici quelques réflexes simples :

  • Ne jetez jamais la bonbonne dans une poubelle classique. Elle peut exploser lors de la collecte ou à l’incinération.
  • Ne tentez pas de la percer vous-même. Le gaz est stocké sous haute pression : danger !
  • Rendez-la à la déchetterie la plus proche, si elle accepte ce type de déchet (appelez avant de vous déplacer).
  • Signalez la présence de bonbonnes abandonnées à votre mairie, qui pourra alerter les services compétents.

Et si vous utilisez vous-même des cartouches dans un cadre culinaire ou professionnel, renseignez-vous sur les prestataires qui les collectent. Certains distributeurs proposent désormais des services de reprise. C’est loin d’être généralisé, mais ça existe.

Des pistes vers une filière plus verte

Plusieurs solutions sont sur la table pour enrayer le tsunami de bonbonnes usagées :

  • Proposer une consigne sur les bonbonnes, pour inciter au retour et créer une boucle de réemploi
  • Responsabiliser les vendeurs, par l’intégration du proto dans une REP spécifique ou élargie
  • Créer des points de collecte dans les grandes zones urbaines : gares, centres commerciaux, lieux festifs
  • Soutenir les entreprises qui innovent dans le recyclage sécurisé du protox
  • Mener des campagnes de sensibilisation, notamment auprès des jeunes, pour rappeler les enjeux environnementaux et sanitaires
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La filière reste balbutiante, mais le potentiel de réutilisation du métal et même du gaz (dans certains cas médicaux ou industriels) justifie amplement un traitement plus structuré.

Le mot de la fin ? Engageons-nous ensemble

Je me souviens d’un échange avec Julian, 24 ans, croisé sur un cleanup urbain à Montreuil. Il me raconte avec franchise :

« J’ai arrêté le proto quand j’ai vu le paquet de cartouches qu’on balançait en soirée. Ça m’a ouvert les yeux. On rigole 30 secondes, mais c’est des décennies dans l’atmosphère derrière. »

Le recyclage des bonbonnes de N2O n’est peut-être pas encore dans toutes les têtes, ni dans tous les circuits de traitement, mais l’urgence réclame qu’on s’y penche sérieusement. Et si cela commence par une simple recherche de point de dépôt ou un message à son maire, c’est déjà un premier pas. Car dans l’immense puzzle de la transition écologique, chaque action compte — même la plus petite capsule métallique.

Alors, la prochaine fois que vous croiserez une de ces bonbonnes brillantes sur le trottoir, ne détournez pas les yeux. Posez-vous cette question simple : que puis-je faire, là, maintenant ?

Et agissez. Ce n’est pas tragique. C’est même plutôt… rafraîchissant.